Des nouvelles de la réserve : le buis

 

Le Buis est un arbuste très commun dans les parcs et jardins, il est taillé en toute sorte de formes. Il est en effet très utilisé pour l’art topiaire, cet art qui consiste à tailler les végétaux pour leur donner des formes particulières.

 

Mais, connaissez-vous le buis à l’état sauvage, ce petit arbuste aux nombreuses petites feuilles vert foncé ?

 

Le Buis est avant tout un arbuste indigène d’Europe, on le retrouve du sud-ouest du continent jusqu’aux Carpates environ. Des espèces voisines le remplacent dans le sud de l’Espagne et des Baléares, dans le Caucase ou l’Asie occidentale. Il est une composante essentielle de certains sousbois de forêts.

 

On le rencontre le plus souvent sous forme d’arbrisseaux, de 50 cm jusqu’à parfois 10 m pour les plus grands recensés à l’heure actuelle.

 

Un peu d’écologie

 

Le Buis est un arbuste persistant, c’est à dire qu’il ne fait pas tomber ses feuilles en hiver. Son nom latin, Buxus sempervirens vient d’ailleurs de là, cela signifie « Buis toujours vert ». Particulièrement rustique, il pousse dans les sous-bois de nombreuses moyennes montagnes (jusqu’à l’étage des hêtres et des sapins et jusqu’à 1650 m dans les Pyrénées) et en plaine, s’accommodant de sols pauvres et secs, mais très calcaires.

 

Lieutaghi, célèbre ethnobotaniste écrivit : « de tous les arbustes de nos climats, le Buis est celui qui possède la plus large faculté d’adaptation aux variations de luminosité. Des recherches ont montré qu’il pouvait encore prospérer dans des conditions d’éclairement inférieures de 180 fois à la lumière générale. » On peut le rencontrer ainsi sur les pentes les plus ensoleillées du midi comme en sous-bois obscurs que le soleil ne touche jamais.

 

Il aime sa propre compagnie, ainsi que celle des chênes et on le retrouve parfois en grande densité. On le rencontre ainsi spontanément dans les Pyrénées, le Midi et l’espace compris entre la vallée du Rhône et le massif du Jura.

Dans les régions méditerranéennes, ses feuilles, plus petites, tireront plutôt sur les jaunes et les rouges, là où, plus au nord, et disposant de plus d’humidité, ses feuilles, plus grandes, sont d’un beau vert foncé luisant, il y sera également plus grand.

Peu d’arbres feuillus (on ne parle pas des conifères) possèdent des feuilles persistantes. Le seul autre cas au nord de la Loire est le Houx.

 

Le Buis est un arbuste monoïque, c’est à dire portant les fleurs mâles et femelles sur le même pied. Sa floraison, pleine de petites fleurs jaunâtres, entre mars et mai est très parfumée et les insectes semblent beaucoup l’apprécier. Ses fruits, sortes de petites capsules brunes à cornes, contiennent des graines munies d’un appendice riche en lipide et à l’odeur recherchée par les fourmis. Ce sont d’ailleurs elles qui disséminent ses graines.

 

La croissance du Buis est très lente et on estime que des spécimens d’un mètre de circonférence sont déjà multiséculaires. À l’heure actuelle, le diamètre de son tronc dépasse rarement les 15cm.

 

Un peu d’histoire

 

Apprendre à connaître le Buis, c’est aussi mieux connaître son histoire, la place qu’il a eu dans la nature et sa place dans l’économie humaine.

 

Le Buis a été fortement exploité, et ce depuis le néolithique. Le bois du buis, clair, très dur, dense, résistant et au grain très fin était autrefois et encore actuellement exploité pour une grande diversité d ‘usages : dans la fabrication d’instruments à vent, de boutons, de jetons ou perles, de pièces de jeu d’échec, d’objets de piété mais aussi de boîtes, de pièces de charrues, d’artillerie, etc. La plus ancienne tablette d’écriture en bois jamais découverte (datant de -1400 ans avant J-C) était en buis.

En atteste de nombreuses traces écrites et archéologiques datant de l’antiquité et de l’empire romain. Il fallait des buis de plus de 100 ans d’âge pour l’industrie des peignes sous l’ère romaine, quasi exclusivement confectionnés en buis. On retrouve également des textes relatant l’acheminement de troncs de Buis de la taille de poutres. Ce qui nous donne une idée de la taille que ces Buis devaient atteindre à l’époque, et surtout, du nombre d’individus qui devaient vivre sur le territoire. Le Buis fut un temps répandu dans toute la France, et ce, à des proportions incomparables, en taille et en densité de peuplement. On retrouve d’ailleurs des traces de pollen de Buis à des endroits où on ne le trouve plus à l’état sauvage.

 

Le nom latin Buxux, lui-même dérivé du nom grec puksos, désignait à la fois l’arbre, le bois et l’objet en bois lui-même, dont les dérivations en français ont donné le mot « boîte » et « pyxide » mais aussi « box » en anglais.

Le Buis a ainsi subi une exploitation intensive et, poussant très lentement, ses populations n’ont tout simplement pas pu se renouveler. On trouve encore quelques vieux buis de quelques centaines d’années, principalement dans des villages où ils ont été préservés (dont certains estimés entre 500 et 800 ans tout de même). De belles populations de Buis sauvages sont présentes, surtout dans les endroits plus difficiles d’accès à l’exploitation et donc mieux préservés.

 

De nombreuses coutumes chrétiennes font encore état du Buis, dont l’importance a perduré jusqu’ ici. Elles y représentent entre autres un symbole d’éternité. C’est un bois toujours utilisé et béni, notamment pendant la fête des rameaux. Il existe également de nombreux usages populaires dans certaines régions, que ce soit pour des pratiques de protection, de bénédiction pour accompagner la mort ou encore pour favoriser la fertilité des champs.

 

À ce titre, il est intéressant de noter que le feuillage et le bois de Buis a beaucoup été utilisé comme fumures des champs. Étant très réputé, on dit qu’une fumure de Buis valait trois ans d’amendements.

 

Et en médecine ?

 

Le Buis comme matériau médical est si peu utilisé de nos jours que les études qui concernent ses constituants biochimiques marquent un coup d’arrêt depuis belle lurette, du moins en France.

 

Cela car le Buis possède quelques alcaloïdes présents dans toutes les parties de la plante, présentant une certaine toxicité. Il a néanmoins connu une utilisation importante avec de bons résultats, réputé très bon dépuratif, il a été utilisé avec succès, semble-t-il, dans les fièvres intermittentes résistantes à la quinine (probablement les symptômes de la Malaria) et d’autres maladies infectieuses importantes. C’est donc un arbuste médicinal à part entière, qui fut beaucoup utilisé, c’est son usage prolongé qui n’est pas recommandé.

 

Et maintenant ?

 

Le Buis subit actuellement des dégâts considérables, dus à un parasite asiatique, la pyrale du Buis, dont la présence est attestée en France depuis 2008. Ce papillon a été ramené suite au commerce intensif de variétés horticoles cultivées en Asie pour les jardins d’agréments (on note en moyenne onze nouvelles espèces introduites par an depuis le début des années 2000). Les chenilles de ce papillon nocturne se nourrissent chez nous exclusivement des feuilles et de l’écorce du buis, provoquant une défoliation complète et souvent la mort des individus suite aux attaques répétées. Sans aucun prédateur connu, ce papillon fait actuellement des ravages, qui s’intensifient d’année en années, au gré de son expansion. De plus, un champignon, lui aussi émergent, profite de la faiblesse du buis là où le papillon n’est plus…

 

Les dégâts semblent considérables, aussi bien dans les jardins que dans les sous-bois de nos forêts, au point que les forestiers craignent désormais pour la survie de l’espèce en Europe.

 

Une note positive cependant : les mésanges, les rouges queues et certaines chauves-souris sont devenus de bons prédateurs des chenilles et des papillons de la pyrale. Dans certains endroits, des individus réussissent à repartir de la souche. Une belle note d’espoir pour cet arbuste « toujours vert » !

 

L’association est très heureuse d’abriter une belle communauté de buis bientôt centenaires dans sa première réserve, intouchée par le papillon de la pyrale. Nous leurs souhaitons une longue vie !

 

Florelle Antoine

 

Sources :

- DRAAF (Mathieu Mirabel, DSF) Information technique portant sur l’invasion de la pyrale du buis en 2017 : http://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2017_12_21_Infotech_DSF_BgFC_Pyrale_du_buis_cle8d27f1-1.pdf

- https://www.shnd.fr/2020/09/27/le-buis-une-espece-plus-resistante-que-ce-que-lon-pouvait-craindre-suite-aux-ravages-par-la-pyrale-du-buis/

- https://shs.hal.science/halshs-01886814/document

- https://bioarcheodat.hypotheses.org/5564