Comme vous le savez, une des finalités de l’association est de créer des réserves naturelles. L’objectif de cette démarche ? Protéger et pérenniser des lieux de biodiversité dans le but de permettre aux merveilles de la nature de s’épanouir pleinement.
Aujourd’hui, nous souhaiterions vous inviter dans ce mouvement en vous parlant des « obligations réelles environnementales ». Derrière ce nom (un poil !) mystérieux se cache un contrat vous permettant de transformer votre jardin, terrain, mare ou partie d’immeuble en réserve naturelle. Véritable pépite au service de la nature, cet accord permet à tout propriétaire de protéger activement la faune et la flore de son terrain et ce, même en cas de transfert de propriété (revente, donation, …) !
Dans cet article, nous allons explorer cet outil juridique. Dans un premier temps, nous découvrirons sa définition. Ensuite, ses conditions de validité, les éventuels partenaires avec lesquels vous pourriez agir en faveur de la nature et enfin, les éléments naturels de votre jardin pouvant faire l’objet d’une telle protection. Puisse cette lecture vous être douce et inspirante !
1- Les ORE, qu’est-ce que c’est ?
Les obligations réelles environnementales (ou ORE pour les intimes) sont un dispositif foncier permettant à tout propriétaire d’un bien immobilier de mettre en place une protection environnementale en signant un contrat dédié à la protection de la biodiversité et des fonctions écologiques de son lieu.
Concrètement, grâce à ce système, si vous possédez une mare, une rivière, un bosquet ou un arbre que vous adorez, il vous est possible de les protéger de la destruction pour une durée allant jusque maximum 99 ans. Point très intéressant, cette protection étant attachée au bien, elle perdura même en cas de changement de propriétaire. Le fait de revendre votre bien ne sera donc plus synonyme de risque pour celui-ci !
2- Les ORE, sous quelles conditions ?
Comme tout contrat, la validité d’une ORE requiert plusieurs conditions. Tout d’abord, vous devez bénéficier de la pleine propriété de votre bien ou agir avec l’accord de l’ensemble des copropriétaires. Ensuite, il n’est possible de conclure un contrat ORE qu’avec trois catégories de cocontractants. Tout d’abord, une collectivité publique telle que l’État, les communes, les départements, les régions, … Ensuite, un établissement public tels que les parcs nationaux, les agences de l’eau, les communautés de communes, l’agence française pour la biodiversité… Enfin, une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement de type WWF, la LPO, ou l’association locale de votre choix dédiée à la préservation de l’environnement.
Le législateur a vraiment mis l’accent sur la nécessité de collaborer avec une institution spécialisée dans la protection de l’environnement. Cette démarche se comprend étant donné que le cocontractant y jouera un rôle déterminant.
D’une part, il pourra vous accompagner en vous aidant à identifier les enjeux environnementaux que vous souhaitez protéger ainsi que la nature des engagements que vous êtes prêts à prendre. Par exemple, vous pouvez vous engager à ne pas couper un arbre en particulier, à ne pas couler de béton sur une zone donnée, à entretenir un muret ou des haies car elles accueillent des petits oiseaux ou encore, à mettre de côté les produits phytopharmaceutiques. D’autre part, en contrepartie du respect de vos obligations, votre cocontractant pourra s’engager à vous verser une compensation financière, vous assister techniquement dans l’entretien de votre bien, œuvrer pour la promotion des enjeux environnementaux associés à votre projet ou réaliser l’inventaire des espèces vivant sur votre lieu, … Les possibilités sont multiples !
C’est au cours des discussions que vous mènerez avec lui que vous pourrez établir ce qui vous semble le plus opportun. Il sera d’ailleurs important de bien spécifier l’étendue des obligations prises par chacune des parties au sein de votre accord. Il conviendra également d’indiquer la durée de celles-ci et d’écrire une clause de résiliation précisant les situations endéans lesquelles des modifications de votre accord sont envisageables. La définition de cette clause est importante car elle permet d’anticiper certains changements tels que la survenance d’un sinistre, l’arrivée de nouvelles espèces de faunes et de flores, le nonrespect des obligations par une des parties, ...
Enfin, afin d’être pleinement valide, cet accord devra être certifié par acte authentique et enregistré au service la publicité foncière. Cerise sur le gâteau : l’ORE est dispensé de l’essentiel des taxes et frais liés à ce type d’enregistrement !
3- Comment savoir si votre bien immobilier peut motiver la mise en place d’une ORE ?
L’article 132-3 dispose qu’un contrat ORE ne peut être conclu que s’il a pour finalité le maintien, la conservation, la gestion et la restauration d’éléments de la biodiversité ou des fonctions écologiques d’un lieu.
a) Votre lieu comprend-il des éléments de biodiversité ?
Il est très probable que oui !
En effet, même les bâtiments les plus ordinaires peuvent servir de support à des actions de protection de la biodiversité.
La biodiversité recouvre :
1) l’ensemble des formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactéries, …) et des milieux naturels existants.
2) toutes les relations et interactions existantes entre ces formes de vie (relation de prédation, de compétition, de mutualisme, de symbiose, …).
3) toutes les relations entre ces formes de vie et leur milieu de vie (par exemple, un bien immobilier peut servir de point d’eau pour les moineaux, d’aire de repos pour les corbeaux ou de terrain de chasse pour les rapaces).
Votre jardin ou votre maison peuvent donc faire l’objet d’une ORE :
- s’ils abritent des formes de vie ou des milieux naturels (zones humide, haies, bosquets) intéressants ;
- s’ils permettent de maintenir certaines relations entre ces formes et leur milieu naturel. Ex : votre jardin sert de point d’eau, d’aire de chasse ou de couloir de migration à certaines espèces d’oiseaux ;
- s’ils font tampon entre des zones à enjeux écologiques et des zones d’urbanisation. Si vous habitez entre une zone classée Natura 2000 et un pan de ville, c’est bingo !
b) Une fonction écologique, qu’est-ce que c’est ?
Les fonctions écologiques sont des processus biologiques permettant de faire fonctionner et de maintenir un écosystème.
Concrètement, il s’agit :
- de l’autoépuration de l’eau qui assure la purification et le maintien de la qualité de l’eau ;
- de la rétention de l’eau dans les sols et les sédiments qui permet la régulation de l’érosion des sols, des cycles naturels de l’eau et la prévention des risques d’avalanches et d’inondations ;
- des piégeages de particules qui favorisent la purification et le maintien de la qualité de l’air (ex : les tourbières sont des puits à carbone naturels) ;
- des échanges gazeux entre la végétation et l’atmosphère qui participent à la régulation du climat global et local.
3- Quel est l’intérêt de cette démarche pour vous et la Nature ?
Les avantages d’un tel contrat sont multiples. Tout d’abord, il vous permettra de bénéficier d’un moyen de vous engager activement en faveur de la protection de l’environnement. Ensuite, il vous apportera la satisfaction de pouvoir contribuer à la protection de la biodiversité de votre maison ou de votre jardin. De plus, il vous permettra de jouir de l’aide et l’engagement d’un interlocuteur privilégié qui vous accompagnera tout au long de cette démarche. Enfin, point extrêmement positif, il vous apportera l’assurance de faire perdurer la protection de votre bien lors de sa revente. Personne ne pourra couper votre magnolia !
Alors, qu’attendez-vous ?
Eux, l’ont fait : https://www.ledauphine.com/environnement/2020/12/28/isere-les-avenieres-veyrinsthuellin-ils-protegent-la-biodiversite-de-leur-terrain-pour-99-ans !
Au plaisir d’arpenter vos réserves naturelles personnelles !
Pénélope Heimann
En résumé :
Vous pouvez conclure un ORE si votre bien abrite :
- Des arbres ou des groupes d’arbres : arbre, alignement, bosquet, haies, souches d’arbres ou bois morts servant d’abris à des espèces, forêt, … ;
- Des plans d’eau (lac, mare, étang), des cours d’eau (rivière, fossé, canal ou même des ruisseaux temporaires), des nappes phréatiques, des zones humides ;
- Des spécimens de faune ou de flore diverses ;
- Des pelouses, des prairies, des cultures favorables au maintien de certaines espèces ;
- Des fossés ;
- Des éléments bâtis : certains murets, certains combles, ...servant de refuge aux animaux.
Les démarches nécessaires à l’établissement de celui-ci sont :
- Identification des éléments naturels que vous souhaiteriez protéger.
- Prise de contact avec une institution, association spécialisée dans la protection de l’environnement.
- Visite de votre terrain avec cette dernière.
- Définition des obligations de chacune des parties.
- Définition de la durée de l’ORE.
- Passage devant le notaire afin de formaliser l’accord.